Nous sommes chez Adix, cabinet de conseil, à Lille. Huit consultants en management, organisation et transformations sont réunis en atelier. C’est la première journée d’un cycle qui en compte quatre. Ils travaillent déjà ensemble, se connaissent, interviennent parfois chez les mêmes clients.
Ils sont là car ils ont besoin de partager leurs expériences professionnelles, de trouver des solutions à leurs difficultés, de se sentir soutenus par les autres, et par l’entreprise. Ce matin-là, ils ne savent pas trop à quoi s’attendre de cette journée, dans sa forme. Ils font confiance. C’est d’ailleurs une de leurs qualités, que nous allons rapidement découvrir. Ils ont juste entendu parler de « théâtre », de « psychodrame. » C’est tout. Ils sont curieux, confiants, avec une pointe d’inquiétude assez compréhensible.
Avec eux, deux animateurs. Plus exactement, deux psychodramatistes (Fabrice ROSINA et Christophe TORELLA.) En effet, ils utilisent une méthode, inventée par un psychiatre passionné de théâtre, JL Moreno, au début du XXième siècle : le psychodrame (psyché = l’esprit et drama = l’action.) A l’origine, le psychodrame a une visée thérapeutique : aller mieux en jouant, comme au théâtre, des scènes personnelles de la vie, celles qui sont difficiles et génèrent des souffrances. Et puis décider de faire autrement.
Moreno, patron d’une troupe de théâtre, découvre que les comédiens, lorsqu’ils jouent des scènes de leur vécu personnel, changent leur façon de se comporter dans leur vie. Le passage de la vie sur la scène, la représentation, a des effets dans le quotidien. Moreno va développer le psychodrame en empruntant de nombreuses techniques au théâtre. Mais le psychodrame n’est pas qu’un inventaire de techniques, plutôt une approche de la relation aux autres et au monde.
Le psychodrame s’installe en France dès les années 60. C’est une thérapie de groupe. « Théâtre de la spontanéité,» il ne s’agit pas d’apprendre un rôle comme un comédien, ni d’improviser, ni de répéter.
Pas de thérapie avec les huit consultants. Ce n’est ni le lieu, ni leur demande. La méthode se déploie pour montrer les expériences professionnelles et les fragilités du métier, faire émerger la solidarité d’une équipe, témoigner de sa pratique, mettre en commun ses techniques personnelles issues de son expérience.
Dans l’atelier, il n’y a pas de table, juste des chaises et des objets qui vont servir à la représentation des éléments réels que l’on évoque (foulards, coussins, cartes, etc.) Pas de paperboard, ni de post-il. Pas de discussions interminables. On montre, on joue, les autres le font aussi. Chacun apparait tel qu’il est et non tel qu’il devrait être. Le discours ne vient rien masquer.
Pas de formateur, ni de hiérarchie qui pousse à faire entrer les professionnels dans une méthode, qui n’est pas la leur, pas toujours adaptée à des contextes et interlocuteurs multiples. Au quotidien, les consultants ne font pas rentrer les clients dans des méthodes, ni dans des cases de tableaux excel. Le professionnel doit être créatif en permanence. La méthode qu’ils découvrent leur convient à merveille.
Dans cet atelier, il n’y a pas de « sachant qui sait ce qu’il faut faire. » On élabore ensemble. Chacun met en scène ses idées, les joue avec les autres, les retient et les met à distance. Les jeux sont vrais. Ils ont été vécus, et les émotions reviennent. C’est souvent drôle. Parfois les larmes arivent.
Les règles ont été posées dès le démarrage : la confidentialité et le non-jugement. Pas de hiérarchie présente, même si elle est « ressource », « coach » ou « facilitatrice. » Rien ne doit entraver la spontanéité, ni la créativité.
Les jeux s’enchainent : les clients sont mis en scène avec leurs spécificités, leurs comportements, leurs personnalités. Chaque membre du groupe aide les autres, propose des solutions, ouvre sur sa pratique, ses trucs. « Dans ces cas-là, voilà ce que je fais « et il montre. De nouvelles solutions émergent. La solidarité se ressent de plus en plus.
Les consultants évoquent leurs métiers, leurs représentations, leur quotidien et identifient ce qui les relie les uns aux autres. Nous sommes loin du travail prescrit. Nous sommes dans le vécu. Les moments de travail sont denses.
Pour finir, chacun revient sur les deux défis qu’il s’était donnés en arrivant ce matin. Ils ont tous réussi ou disent « être en chemin. » Quelque chose a changé. Chacun attend la prochaine journée.
Fabrice ROSINA est psychodramatiste et formateur à Paris (Ecole Française de Psychodrame) et Christophe TORELLA est psychodramatiste en 4ème année, dans l’école parisienne.
Si vous êtes intéressé.e, vous pouvez contacter Fabrice ROSINA et Christophe TORELLA
Fabrice ROSINA : Fabrice Rosina - Psychothérapie, EMDR à Issy-les-Moulineaux